« Combien de tempes mettez-vous pour peindre une toile ?
-Un coureur de cent mètres réalise sa course en une dizaine de secondes, une chanson caresse vos oreilles en deux ou trois minutes, un livre occupe seulement votre après-midi, et un film deux ou trois heures à peine. Réalise-t-on combien d’heures a-t-il fallu à l’athlète pour parfaire sa course, combien de mots ont été griffonnés sur du papier par l’auteur pour donner vie a sa douce mélodie, combien de prises de vue le réalisateur a-t-il gâchées avant de dire « c’est dans la boite ».
Je peins cinq à six heures par jour que « l’inspiration » soit présente ou pas. Il arrive que l’envie de peindre s’étiole parfois au profit de l’envie de ne rien faire mais m’imposer une discipline de travail, à de rares moments, de toucher du bout de mes couteaux cette inspiration tant convoitée. Alors, une magie me transporte, habite mes gestes, sans que j’en connaisse l’origine, et donne naissance en quelques minutes à une belle toile. Pour jouir de ces moments d’exceptions, sentir l’inspiration inonder encore une fois mes gestes, il est impératif, pour moi, d’être tous les jours devant mon chevalet. J’aime l’idée de savoir que celle-ci joue avec moi rôde malicieusement dans mon atelier, sûre d’être courtisée comme ces garces au fort pouvoir de séduction, nourrir mon envie de peindre et s’assurer de ma présence quotidienne face à la toile. »