Jamais je n’aurais imaginé écrire cela à propos de tableaux… et pourtant cela devient une évidence : les œuvres de Lisa G. sont des surfaces érogènes. Elles sont du plaisir ! elles sont un plaisir raffiné, mesuré, profondément intellectualisé ! toutes en retenues et toutes en poussées. En retenue car rien n’y parait lorsqu’on regarde rapidement ses toiles sans chercher à les comprendre… elles apparaissent simplement belles ; et en poussée car dès que l’on se penche dessus, tout devient évident et bouscule notre raison.
Ces toiles sont des pensées rendues physiques… des pensées à regarder, comme des bribes de vie, peut-être des vies entières. Les femmes et les jeunes filles représentées sont réfléchies, suspendues dans leur histoire. Elles sont comme des personnages d’Edgar Alan Poe déposées là, sous le vernis.
Face à une peinture, on peut imaginer que nous, spectateurs, sommes une première intégrité, et que l’œuvre en est une seconde. Que l’un comme l’autre est un être fini (et plus encore les personnages peints que nous-mêmes !) et qu’ainsi chacun contemple l’autre sans interagir.
Les œuvres de Lisa G. ne sont pas ces tautologies-là.
Pour le spectateur qui regarde avec attention les œuvres de Lisa G., une relation intime se crée, comme avec un être. L’un et l’autre sont complexes, pertinents. Un dialogue s’instille, des émotions et du plaisir surviennent. Et chaque échange nous amène plus loin dans la connaissance du personnage qui offre ses pensées à nous.
Lisa G., comme d’autres artistes, rompt avec les règles de la représentation, notamment avec celles de la perspective. Mais ici, la singularité de cette rupture de la perspective n’est pas picturale, mais psychologique, comme elle pourrait l’être de l’oeuvre de Francis Bacon. Les peintures ne sont pas juste belles ou décoratives, ou puissantes ou encore angoissantes. Elles sont une offrande, des pensées à regarder… ou mieux : des sentiments à regarder. Cette transgression-là est plus forte qu’une composition, plus forte que de la matière ou une teinte apropriée. L’émotion, la connivence pressque, qui est créée avec le spectateur rend cette peinture exceptionnellement présente, exceptionnellement tactile et donc érogène.