Lise Vurpillot expose depuis de nombreuses années au sein de la Galerie Harmattan à Megève. Ses tableaux, véritables face à face avec les animaux, nous délivrent un message. Yeux dans les yeux, l’artiste nous emmène dans son univers, à l’état sauvage, à travers un entretien nous faisant découvrir sa sensibilité et la force de ses œuvres.
Après l’énergie des couleurs et la puissance de la matière dans vos œuvres, vient l’instant où le spectateur capte la douceur de l’animal à travers son regard. L’instant parait suspendu, vous regardez l’animal, il vous observe... Vous immortalisez cet échange sur vos toiles, mais qui se cache derrière les pinceaux, qui êtes-vous Lise Vurpillot ?
Je viens des montagnes du Jura, du côté de Pontarlier. J’ai réalisé un parcours artistique au sein de l’école Emile Cohl à Lyon, qui est une école d’illustrations et d’animations axée sur le dessin et sa maîtrise. Nous avons passé beaucoup de temps au Parc de la Tête d’Or où nous nous exercions aux croquis d’animaux et de plantes ; au contact avec les animaux et les éléments.
Très rapidement, la nature a pris place dans vos projets artistiques ?
Après Lyon, je suis revenue dans ma région avec un besoin de retour « au vert ». Ici, il y a beaucoup d’animaux que ce soit dans les prés, les parcs, les forêts. Cela m’a mise sur la piste de la peinture animalière. Aller au contact, montrer ce que je vois. Je passe parfois des journées entières devant des animaux et ils ne sont absolument pas habitués à ça. Tout le monde aime les animaux mais en passant du temps avec eux, on apprend à les connaître... un peu. On perçoit des personnalités : qui est curieux, qui est farouche ; qu'il s'agisse d'une vache dans un champ, d'un chat sauvage ou d'un renard près de son terrier. Nous savons que les animaux ont leurs sensibilités et ce sont celles-ci que je souhaite mettre en avant.
Quand le spectateur « plonge » dans la pupille de l’animal, il est instantanément capturé par ce regard. Cet œil, si richement travaillé, nous livre-t-il un message ?
Individuellement, nous avons du mal à nous rendre compte de notre impact sur l'environnement de chacun de ces animaux. A leur contact, je me sens plus encore concernée par leur vie. Je prends conscience que leur présence, leur regard, est un moyen pour eux de délivrer un message. Je retranscris cela : les montrer comme des êtres vivants, pour que les personnes qui regardent mes toiles les voient elles aussi comme des êtres sensibles, et pas seulement des représentations.
Vous vous rendez au plus près des animaux, dans leur milieu naturel, pour les observer, les « croquer ». Comment se passe ces rencontres ?
Je suis retournée récemment au Kenya, dans le Masaï Mara. De vastes plaines de savane où cohabitent de nombreuses espèces. Dans ces paysages immenses, je suis au plus près des animaux et en lien direct avec des lions, léopards, guépards, girafes, hippopotames, antilopes grâce à mon guide Saruni … En vivant au quotidien parmi les Masaïs, l'expérience humaine et la compréhension de la faune sont passionnantes.
Quelle sera votre prochaine expédition ?
Je pars en août en région arctique, avec l’association suisse Maré-Motrice, dans le cadre d’une résidence artistique et scientifique. Nous naviguerons sur un petit voilier d’expédition de 15 mètres. La démarche consiste à confronter les regards sur les régions polaires et ainsi ramener des témoignages artistiques via différents moyens d’expressions, tout en faisant des relevés scientifiques sur une route maritime peu empruntée.
La nature est en quelque sorte votre atelier, comment réalisez-vous vos œuvres ?
Je réalise toujours mes croquis et esquisses en pleine nature, sur le vif, c’est le meilleur moyen pour m'imprégner d'un environnement, des attitudes, mais aussi de m'ouvrir à un ressenti face aux animaux dans leur milieu. Puis je reprends mon travail sur grand format dans mon atelier.
Mais parfois, comme dans le cadre de la journée internationale du lynx [Travail que l’on peut découvrir dans le film « Aiguille »], je réalise des toiles de grande taille en extérieur. Mais cela reste exceptionnel à cause des contraintes climatiques conjuguées aux grandes dimensions de mes toiles.
On peut dire que les animaux vous donnent et que vous leur rendez bien…
Je suis engagée dans la cause animale, je reverse une partie de mes ventes à des associations de protection des animaux et respectueuses de leur bien-être. Il en va de même pour les ventes d'originaux et de reproductions qui ont lieu dans les musées.
Vous exposez dans des lieux culturels emblématiques.
Début 2022, dans le cadre de l’exposition « Sauvages » du Muséum d’Histoire Naturelle de Neuchâtel en Suisse, j’ai présenté mes toiles « Regard Animal » et mes carnets de terrain.
J’ai également exposé en 2018 au sein du Muséum de la Citadelle de Besançon, reconnu à l’échelle internationale pour son centre de préservation et de conservation de la faune.
Jusqu’à la fin du mois de juillet, une exposition personnelle sur le Masaï Mara est présentée à Besançon.
Vous exposez également, de façon permanente, au sein de la Galerie Harmattan à Megève, confirmant une fidèle collaboration et un succès auprès du public. Que vous inspire Megève ?
Cela fait, 10-12 ans qu’en livrant mes toiles à Nicolas, je profite de tout ce que la montagne peut m'apporter : le ski, l’hiver; les alpages, l’été... et bien d'autres choses! Un mélange ouvert, dans une ambiance de village, où l’on retrouve l’activité initiale des paysans côtoyant le tourisme haut de gamme. La culture y est profondément ancrée dans tous les domaines, qu'elle soit locale, ancestrale, mais aussi ouverte à la nouveauté. Megève est un écrin pour moi personnellement, comme pour mon travail.
(texte de Laetitia Subit)