"La réponse va vous paraitre saugrenue, mais c‘est par pur pragmatisme : cela « m’emmerde » de nettoyer les pinceaux. Le couteau sale redevient propre avec une simple feuille de papier ménage. Plus tard, j’ai pris conscience que le hasard n’était pas intervenu dans le choix de cet instrument. Point de hasard dans la vie, on épouse ses choix, ses décisions. Le couteau, c’est la vitesse. Je n’aime pas attendre, je suis un impatient : tout, et si possible tout de suite. Le couteau s’imposait, il ne pouvait en être autrement. C’est un choix judicieux, qui ne laisse pas de place au doute. Je peins vite, le couteau est comme le prolongement de ma main.
Fixer la toile vierge un bref moment, puis vite la recouvrir, poser les ombres et les lumières, les contrastes ; ne pas s’arrêter ; que le geste ne meurt pas. D’une main je dévisse un tube, de l’autre je me laisse guider par mon couteau. En quelques minutes la toile est recouverte de peinture, de manière difficilement compréhensible pour autrui, puis je rajoute de la matière, la pâte s’épaissit. La toile prend vie progressivement, rapidement. Je hurle mon impatience sur un geste de doute, le couteau s’échappe de ma main, il tâche le carrelage mais je n’arrête pas. Un autre couteau m’attend, les couleurs sur la palette aussi, la trace sur le sol en fera de même."
Daniel CASTAN