Tigres de Sibérie, loups, ours polaire et autres rouges-gorges... Aucun animal n'est assez commun ni assez rare pour se soustraire aux pinceaux-brosse de Lise Vurpillot.
Comme un autre le ferait d'un homo sapiens-sapiens, Lise Vurpillot questionne le règne animal. Elle le fait d'abord dans les livres, s'interroge sur l'habitat, est active au travers d'associations de préservation, avec des passionnés de la faune comme elle. Puis dans un second temps elle part à la rencontre de l'animal. Elle le cherche, le guète, le trouve parfois et le manque souvent.
Mais lorsque la rencontre se fait, qu'elle soit éphémère ou prolongée : Lise Vurpillot scrute les mouvements, guète les regards, envisage des inquiétudes ou des interrogations... pour peindre l'animal, elle a besoin de s'impliquer dans la vie l'animal! Le bestiaire qui en résulte est bien plus riche émotionnellement qu'une collection zoologique.
Dans son Jura, au Kenya, au Groënland, dans un parc, auprès des naturalistes ou des soigneurs, à l'affut en forêt... l'animal est souvent farouche, mais même dans ce trait de caractère, le temps s'immobilise toujours une fraction de seconde et la curiosité se cristallise lorsque les regards se croisent. A cet instant l'artiste note, réalise des croquis, ou reste immobile. Leur présence envahit ces moments de quiétude et de conscience qui n'existent que pour eux. C'est alors un dialogue entre deux espèces qui nait... sans aucun mot.
Quiconque a expérimenté ces rencontres une fois, en reste imprégné toute sa vie !
Le portrait peut alors naître.
L'art de Lise Vurpillot vient de cet instant. Cet instant qu'il a fallu construire à force de travail et de patience... tout ce temps préliminaire que le spectateur lui n'envisage pas, tellement l'œuvre est fraiche et spontanée.
Le point d'ancrage de chaque œuvre est la rencontre réelle qui doit surgir sur la toile comme une évidence.
L'œil de l'animal figure le temps suspendu. Si le loup observe l'artiste (et par son entremise : le spectateur de l'oeuvre), Lise Vurpillot ne regarde pas juste un loup. Elle vit pleinement l'instant fugace et tant espéré où les vies et les espèces s'interpellent. C'est à la fois inouï de richesse et foisonnant de sentiments... une récompense en même temps que le point de départ de son travail audacieux : parvenir à partager l'émerveillement de cet instant.
Plus tard, dans son atelier, il est temps de retrouver et d'exprimer au sens propre l'émotion de la rencontre. Il faut alors mélanger souvenirs, croquis... veiller à la justesse des anatomies et des postures (car une belle toile doit avant tout être juste). Et insuffler dans le même coup de pinceau la magie de la rencontre.
Cet élément intangible et primordiale de l'émerveillement, ne peut être représentée dans son œuvre que par la couleur. Car qu'est-ce qui figure le mieux le merveilleux, sinon la couleur?
La beauté naturelle d'une fourrure, d'un pelage est réelle, mais ne retranscrit pas la magie de l'instant. l'émotion précieuse, figée, qui marque pour le reste de sa vie le visiteur du Masaï Mara, de la rencontre en forêt, de l'affut en plein hiver, d'avoir croisé un élan en pleine nuit dans l'Utah, un panda géant à Wolong... cette émotion est abstraite pour celui qui ne l'a pas vécue.
De ne représenter l'animal que par sa présence naturaliste, en omettant tout ce qui fait la richesse de la rencontre tronque l'expérience. La beauté animale ne tient pas dans une figuration réaliste en tout point. Elle nécessite qu'on la peigne de manière extraordinaire, merveilleuse... flamboyante!
Il n'y a que les couleurs de Lise Vurpillot pour représenter de manière sensible la magie de deux espèces qui se découvrent. C'est là toute l'originalité et l'intelligence de cette technique entre naturalisme et expressionnisme. Sous ses pinceaux-brosse la couleur doit à la fois sembler naturelle et être absolument extraordinaire!
Cette réflexion sur son travail pose la question de notre rapport à l'émerveillement et de sa représentation. En excellente coloriste, Lise Vurpillot fait ressentir la magie d'un instant suspendu. Ainsi, le sujet du tableau n'est plus tant l'animal, que la peinture du merveilleux. L'artiste parvient à exprimer dans une structure en abîme, la rencontre avec l'animal... l'échange avec l'animal... ainsi que le foisonnement des sentiments qui l'emporte... tout cela en invitant le spectateur dans ce dialogue sans mots, incroyablement plus riche que la seule représentation d'un animal.
Par son talent Lise Vurpillot nous emporte dans ses instants magiques.